D O
S S I E R S
Mise
à jour le 13/05/2024
Mémorial de Dien Bien Phu Reportage sur le mémorial
Carrière Mj REULT Carrière Col KAISER
Message du président FSALE Camerone 2024
Biographie
Colonel DIAS La
Guerre d’Indochine
Délégation FSALE SE Réunion
ALE du SE
Evolution de la tenue de nos amicalistes
Modalités
d’accès la maison du légionnaire à AURIOL
Reportage
sur l’ARMEE de L’AIR de 1945 à 196e
Assemblée générale du 21 octobre 2023
Femmes vaillantes épouses des legionnaires
Etre blessé au combat Décret BM4 et accès Major
Article sur la Fin du 1er REP Historique Carpiagne Mort au combat
.
Reportage Général LORHO Centenaire de 14-18
Lettre du G2S lettre de la cour des comptes, la rénumération
des militaires
Analyse du livre blanc Eloge Funèbre du Cdt Hélie de Saint Marc ( cliquez sur le Képi Blanc)
Un
entretien avec l'historien Francis Simonis sur la
colonisation française du Mali. Sans langue de bois ! Francis Simonis, maitre de conférence à l'université d'Aix-en-Provence, est un
spécialiste de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest, en particulier de la période
coloniale au Mali et en Guinée. Pour nous, il revient sur la précédente
opération militaire française à Tombouctou et ses conséquences.
Comment s'est déroulé la première conquête de
Tombouctou par l'armée française ?
"Depuis l’installation des Français à Bamako en 1883, l’expédition
de Tombouctou était dans toutes les têtes, et les lieutenants de vaisseau Jaime
et Caron en avaient préparé les voies à bord de canonnières sur le Niger en
1887 et 1889. Les marins rêvaient en effet d’être les premiers à rentrer à
Tombouctou.
Le gouvernement n’était pas favorable à de nouvelles conquêtes. Depuis des
années, les militaires n’en faisaient qu’à leur tête. Les officiers et
sous-officiers étaient le plus souvent sortis avec des rangs médiocres des
grandes écoles militaires. Provoquer des combats leur permettait de progresser
au tableau d’avancement et parfois d’être décorés.
L’armée coloniale étaient constitué d’officiers et de sous-officiers français
et de quelques hommes de troupes encadrant des tirailleurs africains dits
sénégalais, mais en majeure partie Bambara recrutés directement dans ce qui
était alors le Soudan Français. Les troupes comptaient aussi des spahis et des
compagnies de tirailleurs auxiliaires. Elles étaient très bien équipées et
relativement bien commandées. L’usage était cependant de laisser les
tirailleurs piller les villages conquis, et tous se partageaient le butin, dont
de nombreux esclaves, y compris les officiers français qui y trouvèrent des
concubines ! J’écrirais volontiers un livre qui s’appellerait Les
guerriers polygames de la République sur les officiers de la conquête…
Dès cette époque donc, l’un des principaux problèmes était d’éviter les
débordements, pillages et exactions des troupes africaines. Beaucoup en effet
ne s’engageait que pour les pillages qu’ils escomptaient mener et compter bien
revenir chez eux avec des captifs. Les auxiliaires n’étaient parfois pas payés
(ce n’était pas le cas ici), et dans ce cas il fallait bien les mener au
pillage pour les rétribuer …
Lors de la campagne 1892-1893, Archinard avait pris Mopti et Djenné. Il avait
planifié secrètement la prise de Tombouctou pour la prochaine campagne. La
population de Tombouctou, disaient les officiers français, lassée par les
pillages et les brimades qui lui étaient infligés par les Touareg, appelait la
France à son secours et accueillerait ses troupes en libérateurs.
Archinard fut en fait destitué pendant son congé et Bonnier se retrouva à la
tête de la colonie. Il décida alors de prendre Tombouctou. Dès qu’il apprit
qu’un gouverneur civil (Grodet) était nommé pour le
remplacer, et empêcher les troupes de faire colonne, il partit immédiatement
pour Tombouctou sans pouvoir être arrêté.
Le 26 décembre 1893, le colonel Bonnier partit de Ségou par le fleuve à la tête
convoi de 300 pirogues, avec environ 400 fusils. Le commandant et futur
Maréchal Joffre, du génie, qui avait été envoyé à la colonie pour s’occuper de
la voie de chemin de fer alors en construction entre le fleuve Sénégal et le
fleuve Niger, fut chargé de rejoindre Tombouctou par voie de terre, avec des
effectifs combattants similaires, mais des centaines de porteurs. Dans la
colonne Joffre se trouvait celui qui n’était encore que le capitaine Laperrine
qui faisait partie de l’escadron de spahis soudanais.
Le lieutenant de vaisseau Boiteux qui commandait la flottille du Niger les
avait devancés et devait les attendre à Mopti. Il allait en fait outrepasser
ses ordres et laissant ses deux canonnières au mouillage à Kabara,
entrait dans Tombouctou le 11 décembre.
Le 28 décembre l’enseigne Aube qui voulait rejoindre son chef fut massacré avec
une quinzaine de matelots.
Le colonel Bonnier atteignit la ville le 10 janvier 1894, à l’issue de ce qui
fut qualifié alors de « raid merveilleux ». La ville était prise,
sans combat, et le drapeau français flottait sur Tombouctou. « C’est
l’arme sur l’épaule que la colonne entre dans la ville. Les habitants sont
enchantés de son arrivée. Maintenant, ils n’ont plus à craindre les fameux
Touaregs, qui d’ailleurs n’ont pas jugé prudent de se montrer » écrit
fièrement un membre de l’expédition.
Le 12 janvier, le colonel Bonnier partit en reconnaissance « dans
l’intention de débarrasser les environs des nomades qui les infestaient »
et de tirer vengeance de la mort de l’enseigne de vaisseau Aube. Pendant trois
jours, ce ne furent que razzias et pillages, la colonne s’emparant de plus de
1000 moutons mais aussi de quelques femmes de notables Touareg …
On s’explique mal le sens de cette expédition dirigée par le colonel en
personne avec tout son Etat-major ... Le 14 janvier les soldats
bivouaquèrent à Tacoubao sans prendre la
moindre précaution. Les faisceaux furent formés, et les soldats allumèrent de
nombreux feux pour se réchauffer. Le drame eut lieu quelques heures avant le
lever du jour : en quelques minutes, le camp fut submergé par les Touareg.
Des 14 Européens présents, 11 périrent, dont le colonel et 8 de ses officiers.
Plus de 70 tirailleurs furent tués, mais aussi des dizaines de porteurs,
domestiques, bergers qui accompagnaient les troupes.
Joffre n’arriva à Tombouctou que le 12 février. De vives polémiques s’élevèrent
entre militaire sur la lenteur de sa marche et sur sa propension à se dire le
« vainqueur de Tombouctou », titre revendiqué par la famille de
Boiteux et celle de Bonnier
Ce que notèrent tous les officiers qui eurent à intervenir dans ce qui est
aujourd’hui le nord du Mali, c’est que les troupes africaines très à l’aise et
efficace dans les savanes qu’elles connaissaient bien perdaient toute aptitude
au combat en milieu désertique. Malgré la supériorité de leur armement, les
soldats se montraient le plus souvent pris de panique face à des adversaires
courageux, motivés et connaissant bien le terrain.
Pendant près d’un an, il fut pratiquement impossible aux occupants de sortir de
Tombouctou, et les escarmouches, coups de mains et attaques surprise se
succédèrent pendant des années avant que la région ne fût définitivement
« pacifiée ». Il fallut en fait mettre en place des unités méharistes
pour intervenir efficacement dans la région.
La conquête de la région débuta réellement en 1896, le long du fleuve Niger,
puis, à partir de 1898, après une alternance d’opérations militaires et de
négociations, les Touareg Iwllemmedan (Oullimiden) firent leur soumission en janvier 1903 ce qui
permit l’occupation effective de la région de Gao où un poste avait été fondé
en 1899.
L’occupation de la région de Kidal était plus problématique. Viendrait-elle du
Nord, c’est-à-dire de l’Algérie, ou du Sud, à partir du Soudan. ? Lors de
la délimitation de frontière de 1905 entre le ministre des Colonies pour l’AOF,
et celui de l’Intérieur pour l’Algérie, l’Adagh fut
finalement rattaché au Soudan qui s’appelait alors le Haut-Sénégal-Niger. L’Adagh fut occupé sans combat après négociation à la fin de
1908 et un poste fondé à Kidal au début de 1909."
"La célébrité de Tombouctou est venue en Occident par l’Afrique du nord et
le commerce transsaharien. La ville a entretenu des liens anciens avec le
Maroc, par exemple. Au XVIe siècle, Tombouctou est une métropole islamique
connue dans le monde arabo-musulman tout comme au Sahel. Ses savants, comme le
célèbre Ahmed Baba, emmené en captivité au Maroc après la prise de la ville par
les Marocains en 1591 était l’un des plus grands lettrés de son temps. On a
longtemps vu Tombouctou comme un eldorado d’où partaient d’immenses caravanes
et où vivait une population riche et instruite.
En 1825 La Société de Paris décida d’offrir un prix important au premier
voyageur qui attendrait Tombouctou, mais aussi en reviendrait. René Caillié y
parvint à partir du Sénégal en 1828. Les mots de René Caillé qui dit sa
déception sont célèbres : « Revenu de mon enthousiasme, je trouvai
que le spectacle que j’avais sous les yeux ne répondait pas à mon attente ; je
m’étais fait de la grandeur et de la richesse de cette ville une toute autre
idée : elle n’offre, au premier aspect, qu’un amas de maisons en terre, mal
construites … »
A titre personnel, et depuis maintenant plus de 25 ans que je voyage au Mali,
je me suis toujours interdit de me rendre à Tombouctou et je me suis juré de ne
jamais le faire, pour ne pas connaître la déception que tant d’autres ont
connue avant moi …Il ne faut pas toucher aux mythes.
On a longtemps rêvé de faire de Tombouctou le débouché du chemin de fer
transsaharien dont personne n’a jamais été capable de dire ce qu’il pourrait
bien transporter …
Aujourd’hui encore, on cite des chiffres invraisemblables de manuscrits
supposés se trouver à Tombouctou, tout comme on fantasme une ville qui aurait
compté jadis 100.000 habitants et 20.000 étudiants. C’est en fait extrapoler en
considérant que les milliers d’élèves des écoles coraniques qui ânonnaient le
Coran, pour peu qu’ils n’aient jamais été aussi nombreux étaient des étudiants.
Pourquoi, alors, ne pas dire que la France compte aujourd’hui 12 millions
d’étudiants ?"
Que reste-t-il de la colonisation française au Mali ?
"Des traces diverses. La France y a d’abord laissé sa langue, et en partie
sa culture. Si la très grande majorité de la population malienne ne maîtrise
par le français, notre langue est la aujourd’hui la langue officielle utilisée
dans l’enseignement et l’administration, même si un enseignement de base en
langue nationale s’est progressivement mis en place, ainsi qu’un enseignement
en arabe. Les systèmes scolaires et universitaires maliens sont calqués sur les
systèmes français.
Les élites maliennes ont été essentiellement formées en France, mais les
regards se tournent aujourd’hui davantage vers les Etats-Unis (cas de l’ancien
premier ministre Modibo Diarra
La présence française se marque aussi par le système administratif du pays.
Jusqu’à la chute de Moussa Traoré en 1991, celle-ci était à peu de chose près
la même qu’à l’époque coloniale, le pays étant divisé en cercles ayant à leur
tête un commandant de cercle, les cercles étant à leur tours divisés en
arrondissement (dits subdivisions à l’époque coloniale). La politique de
décentralisation menée par le président Konaré conduisit à créer environ 700
communes, dont beaucoup reprenaient les limites des anciens cantons coloniaux
supprimés à la veille de l’indépendance. L’administration coloniale était une
administration de commandement, autoritaire et au besoin brutale. Il serait
difficile de dire que les choses ont beaucoup changé …
La colonisation française est présente dans l’espace par les bâtiments qu’elle
y a laissés et qui sont toujours utilisés aujourd’hui. Le complexe
administratif de Koulouba date ainsi de 1906 : le Président de la République
a pris la place du gouverneur. Il en est de même des splendides bâtiments de
l’Office du Niger à Ségou.
Le pont barrage de Markala, achevé au lendemain de la
seconde guerre mondiale en est un autre exemple. On y trouve les rails du
transsahariens relancé par Vichy et dont la gare avait même était construite à Markala !
D’un point de vue militaire, la plupart des camps et bases militaires du pays
datent de l’époque coloniale. La gendarmerie malienne a ainsi succédé à la
gendarmerie française, dans les mêmes locaux et au départ avec le même
personnel.
Les liens militaires sont très forts, me semble-t-il, avec la France. Surtout,
l’héritage de l’histoire est fondamental. Pour les Maliens, leurs ancêtres ont
sauvé la France au cours des deux guerres mondiales, et il est donc tout
naturel que la France vienne aujourd’hui à leur secours. Beaucoup des
tirailleurs dits « sénégalais » étaient en effet originaire du Mali
actuel, et plusieurs de dizaines de milliers d’entre eux sont morts pour la France,
lors des deux grands conflits et des guerres d’Indochine et d’Algérie. L’ancien
combattant est donc un personnage clé de la société malienne.
Le professeur Bakari Kamian
qui fait autorité dans son pays en matière d’histoire a bien exprimé la matière
dont on y perçoit les choses dans son ouvrage : Des tranchées de Verdun
à l’église Saint-Bernard. 80.000 combattants maliens au secours de la France
(1914-18 et 1939-45), Paris, Karthala, 2001.
Il faut cependant avoir conscience que l’immense majorité de la population
malienne d’aujourd’hui est née bien après l’indépendance, puisque la moitié des
Maliens a sans doute moins de 25 ans…
L’islam même est en quelque sorte un héritage colonial ! En dehors des
populations nomades du nord du Mali : Arabes, Maures, Touaregs et des
Peuls, c’est au cours de l’époque coloniale que s’est convertie la majeure
partie de la population. Au sud du Mali, en effet, l’islam, présent dès le
moyen-âge, était une religion minoritaire professée par une élite
intellectuelle et/ou marchande. C’est autour de 1945 seulement que les
musulmans ont dépassé en nombre les tenants des cultes de terroir
traditionnels, le christianisme étant très minoritaire (quelques % de la
population tout au plus).
On le dit peu, mais la célèbre mosquée en terre de Djenné a été construite par
l’administration coloniale en 1906 …
Le Mali a aussi hérité de la France sa conception de la laïcité. Cette
conception fut ardemment défendue par les pères de l’indépendance, mais on peut
se demander si elle est encore d’actualité tant les associations musulmanes
pèsent aujourd’hui sur le pouvoir à Bamako."
1
Le
19 février 2011
Une
étrangère d’origine russe au service de la France
La
comtesse du Luart, née Gali
Hagondokoff en costume princier caucasien
(1898-1985)
Née
à la fin du siècle dernier en Russie, Gali Hagondokoff, comtesse Leïla1 du Luart
par son mariage,
marraine de guerre du 1er Régiment Etranger de Cavalerie pendant 42 ans, est
une figure
emblématique des personnalités d’origine russe-blanc venues
s’installer en France pour fuir la
révolution d’Octobre de 1917 et la guerre civile qui oppose les « rouges »
communistes et les
« blancs » tsaristes. Une majorité de russes blancs choisit
alors de s’exiler en France.
Cette
vague migratoire très importante des années 1920 vient s’ajouter à une
émigration
précédente, celle des aristocrates, écrivains et intellectuels fortunés installés
en France à la fin du
siècle dernier bientôt rejointe dès le lendemain de la révolution de 1905 par
un premier flux
d’expulsés ou d’exilés volontaires.
Nombre
de ces exilés se rassemblent au sein d’associations d’émigrés blancs derrière
le
commandant en chef de l’armée russe en exil, le Lieutenant-général Baron Piotr Nikolarevitch
Wrangel,
dans le but de poursuivre la lutte armée contre le régime communiste. D’autres,
le plus
souvent issus de l’armée impériale, s’engagent dans l’armée française, en
particulier dans la Légion
étrangère et dans les unités de Spahis, où ils s’illustrent sur les théâtres
d’opérations extérieures.
C’est
ainsi qu’en 1925, 82% de l’effectif du 1er REC est d’origine russe. Nombre
d’anciens officiers du
Tsar
servent d’ailleurs comme légionnaires notamment des officiers supérieurs et des
généraux de
la
Garde impériale ; quelques-uns deviennent sous-officiers ou officiers. C’est le
cas du Lieutenant
Witawa Hretschatitsky, ex-général de brigade de
l’armée impériale, qui devient le porte-étendard le
plus
décoré que le 1er REC ait jamais eu. Ainsi, à l’occasion d’une revue de
catégorie, le Général
(1)
Elle changera son prénom de Gali en celui de Leïla
après être devenue française
2
Rollet, le Père de la Légion, ayant interrogé plusieurs légionnaires russes,
s’adressant au dernier,
s’entendit dire « J’étais général, mon général, tous ces messieurs faisaient
partie de mon étatmajor
».Plus
tard, durant la seconde guerre mondiale, bien d’autres personnalités issues de
la
diaspora russe eurent des destins glorieux à l’image de la princesse Véra Obolensky, née Véra
Apollonovna Makarova, surnommée Vicky, née le 11 juin 1911,
héroïne de la résistance française ,
guillotinée à la prison de Plötzensee à
Berlin le 4 août 1944.
Hormis
leur forte présence dans les armées, l’émigration russe et géorgienne en France
va dans de
nombreux domaines, intellectuels, scientifiques, artistiques, devenir « un
vivier de maîtres » .De Ivan
Bounine,
prix Nobel de littérature à Elsa Triolet, Henri Troyat, Hélène Carrère d’Encausse, en passant
par
les célèbres danseurs et chorégraphes, Serge Diaghilev, Vaslav
Nijinsky, Rudolf Noureev, Serge
Lifar,
sans oublier les peintres Zinaïde Serebriakoff
et Serge Poliakoff et les membres de la famille
impériale,
grands noms de l’aristocratie russe , Obolensky, Galitzine, Wolkonsky, Youssoupov,
Vladimirovitch… ,ils se manifestent par la richesse de leur personnalité et l’étendue de
leurs
capacités. Souvent promoteurs de la modernité, participant au rayonnement des
arts et des lettres,
ils
contribuent activement à la célébration de la culture russe en France.
Le
cimetière de Sainte Geneviève des Bois, considéré comme la plus grande
nécropole de
l’émigration russe dans le monde ou la somptueuse cathédrale russe
Saint-Nicolas de Nice, symbole
de
l’implantation de la colonie russe à Nice, devenue récemment propriété de la
Fédération de
Russie
par décision de justice, témoignent tout particulièrement de la réalité et de
l’influence de
cette
présence dans notre pays.
C’est
dans ce contexte d’installation en France d’une très forte émigration blanche
que commence
le
roman de la vie de Gali Hagondokoff
.Elle nait à Saint-Petersbourg le 6 février 1898 dans
une
famille princière du Caucase. Son père est le Général Constantin Hagondokoff, Ataman des Cosaques
de
l’Amour, gouverneur militaire et commandant en chef des forces impériales en
Extrême-Orient.
Sa
mère, Elisabeth, est la fille du général Von Bredow.
C’est une famille nombreuse dont le caractère
militaire très marqué va influencer sa propre vocation et celle de ses sept
frères et soeurs. C’est ainsi
que
très tôt, à 17 ans, Gali décide de vouer sa vie aux
blessés de guerre et de devenir infirmière sur
les
trains militaires russes puis dans un hôpital de la Mer Noire. Elle épouse
d’ailleurs en 1917 un de
ses
grands blessés, le Capitaine Nicolas Petrovitch Bajenoff ,
officier de la Garde Impériale. Mais la
Révolution
d’Octobre commence ; des bruits de fusillade se font même entendre pendant la
cérémonie de mariage. Comme beaucoup d’autres familles, les Hagondokoff
sont poursuivis et
trouvent refuge en France tandis que le ménage Bajenoff
fuit par le Transibérien vers la Chine et
gagne
Shanghaï. Durant ce long périple, Gali
donne naissance à un fils, Nicolas. Mais la vie à Shanghai
en
1920 est difficile. En but à des difficultés
matérielles, attirée par le milieu de la mode, elle devient
mannequin dans une maison de couture .Son mari, de santé fragile et affaibli par
les épreuves
vécues,
est en proie à des sautes d’humeur et à de violentes colères. La mésentente
s’installe et en
1922
le couple divorce. Elle fuit alors le pays pour se réfugier aux Etats-Unis puis
décide de rejoindre
sa
famille à Paris qu’elle aide à vivre de son mieux en travaillant pour la maison
de haute couture
«
Coco » Chanel.
3
Le
Colonel Constantin Hagondokoff et son état-major au
Turkestan
( au
centre)
Il
sera nommé Général et Gouverneur de Sibérie
En
1934, Gali épouse le Comte Ladislas du Luart qui, jusqu’à sa mort en 1980, la soutiendra dans
toutes ses entreprises et dans la carrière militaire exceptionnelle qu’elle
va entreprendre quelques
années plus tard. En effet, malgré une vie facile et mondaine partagée entre
Paris et la campagne
sarthoise au Luart, Leïla, qui a abandonné le prénom
de Gali éprouve le besoin de s’évader à
nouveau. Les troubles qui agitent l’Espagne vont lui en donner la possibilité.
Comme tous les russes
blancs, sa hantise du bolchevisme la conduit à se ranger du côté des troupes
franquistes. C’est ainsi
que
pendant la guerre civile espagnole, elle renoue avec sa vocation d’aide aux
blessés en imaginant
un
système d’ambulances chirurgicales mobiles permettant d’opérer au plus près des
combats.
Durant
près de trois années que durera la guerre d’Espagne, aidée par de généreux
donateurs et par
plusieurs associations, elle fera convoyer vers l’Espagne de nombreuses
ambulances et du matériel
sanitaire avant de partir elle-même au -delà des Pyrénées pour prêter main-forte
sur le terrain aux
équipes médicales engagées dans les zones de combat.
De
retour en France, « la drôle de guerre » durant la période de 1939-1940 puis
l’ouverture des
hostilités avec l’Allemagne, vont donner l’occasion à la comtesse du Luart de poursuivre sa vie
aventureuse et sa vocation d’infirmière. Au sein de la 3ème
Armée, en première ligne, là où les
blessés ont le plus besoin de soins, elle teste son projet de formation
chirurgicale mobile élaborée
durant la guerre d’Espagne. Citée à l’ordre de l’armée durant la campagne de
France, titulaire de la
Légion
d’Honneur, elle se replie en zone libre après l’Armistice de 1940 puis part en
Algérie et au
Maroc.
En
novembre 1942 les Américains débarquent en Afrique du Nord. Madame du Luart participe aux
opérations avec son antenne chirurgicale auprès du 3ème Régiment d’Infanterie.
Les premiers
combats lui donnent une idée précise de ce qu’il faut faire pour médicaliser
au mieux les victimes de
guerre. Par les solides amitiés qu’elle noue avec les grands chefs militaires,
elle crée la Formation
Chirurgicale
Mobile n°1 financée sur ses fonds propres et grâce aux dons des généreuses
relations
qu’elle a gardées aux Etats-Unis. Cette formation allait accompagner les
unités de premières lignes
jusqu’à la fin de la guerre.
4
Au
centre, la comtesse du Luart, au milieu de ses
infirmières
A
l’été 1943, après la campagne de Tunisie, les unités en provenance du Maroc,
regagnent leurs
garnisons et l’antenne chirurgicale n° 1 se retrouve à Rabat. C’est à cette
époque qu’a lieu dans la
vie
de Leila un évènement capital : sa rencontre avec le 1er Régiment de Cavalerie
à l’automne 1943
en
forêt de Mamora près de Rabat. Invitée en ce lieu,
elle est présentée au régiment rassemblé en
carré
; le chef de corps, le Colonel Miquel, lui demande alors d’en devenir la
Marraine de Guerre. Elle
accepte avec beaucoup de grâce et de simplicité et est nommée le soir même
légionnaire de 1°
classe d’honneur sous les applaudissements des légionnaires. Le soir de Noël
1943, elle offre aux
légionnaires rassemblés dans la clairière de la Mamora leur premier réveillon et cadeau de Noël. Peu
après,
le Général Juin lui demande de le suivre avec son antenne chirurgicale en
Italie. Elle retrouve
son
fils Nicolas qui, après des études aux Etats-Unis, est devenu aide de camp du
Général Clark.
Après
la campagne d’Italie, elle regagne l’Afrique du Nord avec le Corps
Expéditionnaire Français et
retrouve le 1er REC à Marnia, à la frontière algéro-tunisienne .Puis la guerre l’entraine à nouveau en
France
dans les Vosges puis en Allemagne où, toujours avec son antenne, elle suit la
1° Armée du
Général
de Lattre jusqu’en Autriche.
5
Au
côté du Général de Gaule, en inspection dans les Vosges
Promue
officier de la Légion d’Honneur et brigadier-chef d’honneur du 1er REC, seule
femme à
porter jusqu’à ce jour cette distinction réservée aux maréchaux de France,
elle regagne la France
après
l’Armistice tandis que le 1er REC est envoyé en Algérie puis au Maroc à Oujda
avant de partir
pour
l’Indochine en 1946. Elle aurait pu ajouter l’Indochine à son exceptionnel
parcours mais la
longue maladie de son fils Nicolas et son décès en 1954 d’une tumeur au
cerveau l’en empêchent.
Dès
1956, la tragédie algérienne va donner l’occasion à Leïla du Luart de reprendre du service et de
continuer à se dépenser sans compter au service de la France. Ayant remarqué que
les évènements
d’Algérie posent le problème des permissions et des convalescences des soldats
sans famille, elle a
alors
l’idée généreuse de créer pour eux à Alger un centre interarmées de repos et de
détente ; ce
sera
« le Chenoua », créé par elle de toute pièces , qui accueillera de 1956 à 1960 des centaines de
permissionnaires et les légionnaires du 1er REC, heureux d’y trouver
un accueil inoubliable.
Mais
le putsch d’Alger et la fin tragique de l’Algérie Française vont bouleverser
cette situation et
mettre un terme à cette belle entreprise. Marraine doit fermer le Chenoua, quitter précipitamment
l’Algérie alors que le 1er REC, après la cessation des hostilités, s’installe
sur la base interarmées de
Mers-el-Kébir. En 1967 cette mission prend fin ; le régiment
rejoint alors la garnison d’Orange.
Si
la présence de Leïla sur les théâtres d’opérations cesse à cette époque, elle
n’en continue pas
moins
à se dévouer sans compter au sein des armées dans l’exercice de nombreuses
actions
sociales ; elle va assurer jusqu’à sa disparition une indéfectible présence aux
côtés de ses filleuls et
honorer de sa présence le 1er Régiment Etranger de Cavalerie en participant
régulièrement aux
Noël,
Saint-Georges, Camerone et passations de commandement du régiment.
L’éblouissante
carrière militaire de la comtesse du Luart lui vaudra
les plus hautes distinctions. Outre
l’accès à l’honorariat du 1er REC, elle sera citée six fois dont trois à l’ordre
de l’armée, nommée
Commandeur
de la légion d’Honneur et élevée à la dignité de Grand Officier de l’Ordre
National du
Mérite.
6
Le
21 janvier 1985, elle s’éteint à l’âge de 87 ans à l’hôpital américain de
Neuilly. Entourée des Képis
blancs, elle est portée comme l’un des leurs lors d’une cérémonie solennelle
en l’Eglise Saint-Louis
des
Invalides, l’église des soldats, puis rue Daru en l’église orthodoxe en
présence de nombreux
parents et amis russes. Au cours de la cérémonie le général d’armée de Galbert, Gouverneur des
Invalides,
un de ses anciens blessés, s’adresse à elle une dernière fois en ces termes «
Madame,
vous
êtes la fille généreuse et ardente des Seigneurs du Caucase, le secours des
blessés de tous nos
combats et la grande dame de la légion étrangère ». Elle repose auprès de son
fils au cimetière de
Sainte-Geneviève
des Bois.
L’hommage
des légionnaires à leur Marraine aux Invalides Dernier adieu du chef de corps
en l’église orthodoxe russe
Figure
emblématique d’une étrangère d’origine russe au service de la France, Gali Hagondokoff eu la
destinée d’une femme hors du commun aux actions militaires exceptionnelles. A
l’image de Susanna
Travers,
jeune anglaise aventureuse engagée au sein de la 13° Demi-brigade de la Légion
étrangère
en 1940 , courageuse infirmière de Bir-Hakeim,
seul personnel féminin immatriculé à la Légion
étrangère ou de Geneviève de Galard, héroïque convoyeuse de l’air, responsable
des blessés graves
à
l’antenne chirurgicale de Diên Biên
Phu, , seule femme du camp retranché dans un monde de
violence
et de sang, la comtesse du Luart fait partie de la
cohorte silencieuse des personnages
féminins qui ont voué leur vie au service des souffrants2.
(2 ) Un ouvrage « La circassienne », sorti le 17 janvier
2011, et écrit par Guillemette de Sairigné aux
éditions
Robert
Laffont est consacré à la vie aventureuse de la comtesse du Luart7
Les souvenirs des anciens de la Légion
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